Hécatombe des mots
Tu as peur des mots. Ils rôdent tout autour, secs, vidés. L’un jaillit depuis le noir du jardin. Il s’arrête face à toi, une pierre à la main. Un autre se faufile, sournois, le long du mur. Tu ne sais pas s’il épie quelqu’un ou s’il essaie de se cacher. Une douzaine de lettres monstrueuses chute du branchage. Ce qui irrite aussitôt ton cou. Tu cours à travers la rue, et voilà que des grappes de phrases pendent aux fenêtres. Puis des tessons de mots tranchants au seuil de la taverne. Tu rêves d’en sauver au moins un de la folie générale. Tu vois qu’ils prolifèrent vite, hélas, et qu’ils perdent leur sens. Demain nous marcherons sur le tapis de mots broyés, et la parole aura disparu. |
Mort en 2007, Slavko Mihalić a été l’une des personnalités majeures de la littérature croate et sûrement l’un des
poètes plus importants du siècle dernier. Dans sa collection Domaine Croate L’Ollave publie une riche anthologie de ses poèmes, dans la traduction de Vanda Miksić, une véritable synthèse de son parcours créatif. Un poète profondément blessé, une langue dense et fluide en même temps, un défi existentiel, une plongée dans le sabbat de « la valse de Méphisto ». La vie pour Mihalic est au fond, comme le titre choisi pour ce recueil, un « jardin aux pommes noires », un labyrinthe sans issue où la poésie elle-même devient un alibi et, paradoxal qu’il soit, un « voyage vers l’inexistence ». Le poème La fin des jeux est d’un nihilisme total, presque plus désespéré que La fin de partie de Beckett : « Tout peut être vendu, tout peut être acheté, / sauf le futur qui a déjoué/ tous les arrangements et qui a disparu sans laisser de trace. »
L’hécatombe ne fait rien espérer d’une humanité qui a vidé de sens les mots, mystifiant leur valeur et leur signification. Est-ce qu’on est nombreux à se rendre compte que s’approche le jour où « la parole aura disparu » ? Merci SMS, Smartphones, Tablettes, vous avez fait de nous des robots balbutiants dans des villes tentaculaires, où tous nos faits et gestes sont espionnés et analysés.
poètes plus importants du siècle dernier. Dans sa collection Domaine Croate L’Ollave publie une riche anthologie de ses poèmes, dans la traduction de Vanda Miksić, une véritable synthèse de son parcours créatif. Un poète profondément blessé, une langue dense et fluide en même temps, un défi existentiel, une plongée dans le sabbat de « la valse de Méphisto ». La vie pour Mihalic est au fond, comme le titre choisi pour ce recueil, un « jardin aux pommes noires », un labyrinthe sans issue où la poésie elle-même devient un alibi et, paradoxal qu’il soit, un « voyage vers l’inexistence ». Le poème La fin des jeux est d’un nihilisme total, presque plus désespéré que La fin de partie de Beckett : « Tout peut être vendu, tout peut être acheté, / sauf le futur qui a déjoué/ tous les arrangements et qui a disparu sans laisser de trace. »
L’hécatombe ne fait rien espérer d’une humanité qui a vidé de sens les mots, mystifiant leur valeur et leur signification. Est-ce qu’on est nombreux à se rendre compte que s’approche le jour où « la parole aura disparu » ? Merci SMS, Smartphones, Tablettes, vous avez fait de nous des robots balbutiants dans des villes tentaculaires, où tous nos faits et gestes sont espionnés et analysés.