Auntun Branko Šimić occupe sans nul doute une place à part dans la poésie croate. Disparu à l’âge de 26 ans de la tuberculose, il a laissé une œuvre émouvante qui reste aujourd’hui encore une référence. Il avait une grande connaissance de la littérature européenne, lisait les auteurs allemands, français, italiens ou russes dans leur langue, citait les philosophes classiques et contemporains, écrivait des chroniques sur la culture urbaine. Auntun Branko Šimić est l’un des poètes les plus profonds de son temps et d’aujourd’hui. Il sera le premier poète croate a utilisé systématiquement le vers libre, s’intéressant autant aux mots qu’à l’impact visuel du poème. Sa modernité se manifeste aussi dans les thèmes choisis, le corps, l’érotisme, la pauvreté sociale, le dépérissement physique… une poésie de chair et d’os. Comme pressentant l’urgence de sa propre vie, Auntun Branko Šimić publia son premier poème à 14 ans, ne cessera d’écrire et ne publiera pourtant qu’un seul recueil de son vivant, "Transformation", en 1920. Rebelle, obstiné, il se consacra à l’édition de ses revues. Sa sensibilité résonne de ces mots justes, posés sur les pages pour toujours. De lui, de ses confrères, il écrit : "Les poètes sont un étonnement dans le monde. Ils arpentent la terre et leurs yeux larges et muets grandissent auprès des choses. L’oreille penchée vers le silence qui les entoure et les tourmente, les poètes sont l’éternel frémissement du monde." Le recueil "Au bord du monde", publié par les éditions L’Ollave, nous offre un choix de poèmes dont la lecture laisse, après une vague d’émotions, un goût de trop peu. Alors, relire encore pour retrouver à travers sa poésie le poète et écouter avec lui "comme la lune marche doucement sur l’eau".
Mireille Sanchez, 2015
Mireille Sanchez, 2015